par Jacqueline Jacquinot
En 1789, la plupart des abbayes du baillage d’Amont, Luxeuil et Cherlieu entre autres, ainsi que beaucoup de seigneurs laïcs avaient encore des mainmortables et percevaient des droits féodaux surannés qui étaient devenus d’autant plus onéreux qu’ils n’exemptaient pas les sujets des lourdes impositions royales.
Aussi, quelques jours après la prise de la Bastille, des soulèvements éclatèrent sur divers points du pays ; Plusieurs châteaux furent envahis et pillés ; on brûla les terriers et les dénombrements, brisa les bancs seigneuriaux dans les églises, commit enfin tous les désordres auxquels devait se livrer une population longtemps courbée sur la glèbe et plongée dans la plus profonde misère et, par conséquent, entrainée fatalement à confondre la licence et la liberté.
Mais après cette explosion de colères légitimes, les esprits se calmèrent et nulle part, la Révolution ne fut moins violente que dans le département de la Haute-Saône. Son voisinage de la frontière lui imposa, d’ailleurs, des devoirs qu’il remplit généreusement et l’activité de ses administrateurs fut complètement absorbée par le soin de subvenir aux réquisitions de toutes natures demandées par la Convention et d’envoyer des soldats à l’armée du Rhin. Les papiers du baillage de Vesoul donnent de nombreux détails sur ces désordres des mois de juillet et août 1789.
ADHS série B vol.3
Et à Montigny ?
(transcription littérale)
« L’an mil sept cent quatre-vingt-neuf, le 24 juillet avant midy, au lieu et sur la place publique de Montigny lès Cherlieu, les habitans y étant assemblés ensuite d’une assemblée convoquée au son des cloches, à la manière ordinaire par le fait de Claude Ponsotte et Claude Bouérat, les deux échevins en exercice, par devant le notaire soussigné, en présence des témoins en fin nommés, se sont présentés en personne MM. les prieur et religieux de l’abbaye Notre-Dame de Cherlieu, ordre de Citeaux, filiation de Clervaux, par le fait de M. Jean-Claude Reverchon, leur procureur, en qualité de Seigneurs dudit Montigny, lequel se fait et porte fort de faire aprouver, agréer et ratifier les présentes par mesdits sieurs les prieur et religieux de Cherlieu qui signeront au bas des présentes, assemblés capitulairement, à l’effet de quoy, les deux échevins susdits seront députés par ladite communauté pour être présens à la ratification et signature et ce incontinent après la consommation du présent ; lesquel MM. prieur et religieux désirant satisfaire les habitans et communauté dudit Montigny et ayant entendu les répétitions qui leur ont été faites dans la journée d’hier à Cherlieu et y ayant réfléchi, ils ont consenti, accordé, approuvé et ratifié auxdits habitans cy présens, stipulans et acceptans ce qui suit, sçavoir :
Article premier
Que la mainmorte dont les fonds et héritages de la seigneurie de Montigny sont affectés, sera abolie à jamais.
Article deuxième
Que les lods et ventes retenus sur les contrats de vente et acquisition que lesdits habitans font et peuvent faire, seront éteints et qu’ils seront libres de vendre, acheter et aliéner comme bon leur semblera.
Article troisième
Que les dixmes perçues sur tout le territoire de ladite terre de Montigny seront abolie.
Article quatrième
Que le droit de fourg payé jusqu’à présent par lesdits habitans à leurs seigneurs sera pareillement éteint et, conformément à la transaction passée entre les seigneurs et la susdite communauté, que chaque particulier jouira toujours du droit d’avoir chacun son fourg sans aucune rétribution à payée jusqu’à présent audit seigneur.
Article cinquième
Qu’il ne sera fait aucun acte de chasse sur le territoire dudit Montigny pendant que les grains sont en nature d’être endommagés, du moins de la part desdits Seigneurs et autres de leurs gens.
Article sixième
Que les gardes établis par lesdits Seigneurs ne feront aucun raport dans les bois apartenans auxdits habitans et que les amendes faites par les forestiers et messiers qui seront établis incessamment par ladite communauté, céderont au profit desdits habitans, qui ne réservent à leur Seigneur que les amendes de chasse, de pêche et de police, et que les habitans auront seuls et à l’exclusion de leurs Seigneurs le droit de pêche.
Article septième
Que les voliers de pigeons seront entièrement détruits.
Article huitième
Que chaque particulier pourra s’il le juge à propos nourrir des chiens sans être obligé de leur mettre des billots au col.
Article neuvième
Que lesdits habitans seront exempts de corvées de charrois et de bras totalement.
Article dixième
Que les tailles seigneuriales seront réparties et payées par égale part.
Article onzième et dernier
Que tous les titres antérieurs au présent arrangement seront nuls et de nul effet.
Fait, lu et passé sur la place publique dudit Montigny, les an, mois et jour que dessus par devant Charles-François Josse, notaire royal à la résidence de Vitrey, y demeurant, en présence de Nicolas Prieur menuisier demeurant à Ougney et de Nicolas Horéal, laboureur demeurant à Noroy lès Jussey, témoins requis et soussignés avec ceux des habitans ayant l’usage ; relu.
Et instamment après lecture, il a été convenu qu’on allait se rendre à l’abbaye de Cherlieu pour y signer les présentes et que les tailles seigneuriales qui seront supportées également par lesdits habitans sont d’une somme de vingt-six livres dix sols par chaque année ; encore relu.
Les présentes aux frais de la communauté de Montigny ; encore relù. »
Suivent 97 signatures.
(Nouvelle revue historique. Bnf )
Que s’est-il passé ce 24 juillet 1789 à Cherlieu ?
La salle des archives mise à sac, des documents brûlés sur place ou emportés, sont les seules exactions mentionnées dans les écrits de l’époque. Il ne semble pas qu’il y ait eu de dégradations importantes sur les bâtiments, ni maltraitance des religieux qui resteront à l’abbaye jusqu’en 1791-92.